Il est tard, très tard. Demain on est mercredi, la majorité des élèves sont sans doute entrain de se préparer pour leurs cours à l’université. Tandis que moi, je déambule les rues de ma ville.
Des couples sans doute composés d’au moins un partenaire qui a commis l’adultère, se dirigent vers des motels, les junkies se tiennent à moitié accroupis dans les ruelles étroites et reculées, un petit groupe de jeunes se rue dans le bar le plus proche et au milieu de la rue principale, un homme en costard se tient adossé au mur.
Quels drôles de personnages nous avons-là. Mais pourquoi ai-je l’impression que ce gars me fixe ?
Je m’avance, les yeux rivés sur mon téléphone, mine de ne rien voir, mais une main me retient et une voix rauque s’adresse à moi :
« Hé le jeune, t’aurais envie de découvrir un monde à part ? » Je m’arrête net et me retourne.
- Un monde à part ? C’est sûr que c’est alléchant, mais je ne suis pas dans la drogue, merci quand même.
« Attend. Est-ce que j’ai parlé de drogue ? C’est bien mieux, viens et suis-moi. » Sa main, me tire dans un coin sombre et reculé, que je ne connaissais visiblement pas.
Après de nombreuses minutes de marche, je me retrouve devant une boutique illuminée de néons et dont la pancarte affichait « Nachtwache ». L’homme se retourne vers moi une dernière fois et me lance un « C’est ici, avance tout droit, prend la dernière porte rouge et surtout profite. » Une énorme tape dans le dos, qui m’a fait pénétrer dans l’enceinte de la boutique et un claquement de porte annoncent le point de non-retour.
Je m’avance, les couloirs sont vides, la lumière tamisée. Je recherche cette fameuse porte rouge et c’est au bout du couloir que je l’aperçois.
‘Schlangen Lodge’, la loge du serpent ? Un de mes sourcils se fronce inconsciemment et un mauvais pressentiment le précède. Je ne devrais peut-être pas y aller en fin de compte, de toute manière il n’y a personne pour me retenir de partir, non ?
Soudain, une voix féminine m’interpelle de l’intérieur de la chambre.
« Tu sais que ton ombre se voit ? Tu attends quoi pour rentrer ? On t’attend. »
Alors déjà, elle marque un point. Mais bordel, que signifie ‘ON’ ?
Ma main tremble, mais agrippe la poignée par reflexe et la baisse pour finalement me laisser me glisser à l’intérieur de cette loge.
Une énorme chambre rouge, un lit à baldaquin de taille démesuré et en plein milieu un groupe composé de trois filles et un jeune homme. Tous semblent être dans ma tranche d’âge, leur regard semble vide et en même temps si intense. Je connais que trop bien ce regard.
« C’est un plaisir Sethos. On t’attendait depuis si longtemps, tu sais. En plus t’as l’air vachement endurant, la vache ! » une jeune femme quasi dénudée, m’attrape par la main et me pose sur le lit avant de faire signe à ses compagnons de la rejoindre.
Je n’ai pas eu le temps de répliquer, mais la sensation des lèvres et mains de ces inconnus est carrément inédite.
J’en profite pour fermer les yeux et me laisser aller, lorsque cette même fille m’embrasse langoureusement.
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J’ouvre mes yeux, dans un sursaut.
Mon corps est endolori et ma tête tourne comme si je sortais d’un concert.
J’analyse la pièce dans laquelle je me trouve. Je suis de retour dans ma chambre.
Mais alors, tout ça n’était qu’un rêve ? A la seule pensée de ce moment vécu, mon corps réagit comme à un manque. Mes poils s’hérissent et tous mes sens sont en alerte.
Je dois aller vérifier si ce lieu existe vraiment. J’enfile mes vêtements de la veille et me rue vers la porte.
Dans la rue, en bas de chez moi, la moindre personne que je croise me fait de l’effet. Il devient urgent de trouver cet endroit ou tout juste quelqu’un pour m’aider.
Je regarde autour de moi et les gens me fuient. Encore.
En passant devant la vitrine d’une boutique du coin, je me rends compte de mon look.
Mes jeans sont déchirés et me serre visiblement l’entre-jambe, mes cheveux sont en bataille, mon t-shirt blanc est froissé à n’en plus pouvoir et les chaînes qui pendent à ma ceinture, sont bruyantes. Mes yeux semblent vides et perçants à la fois, j’ai l’impression de revoir cette jeune fille d’hier.
Rien qu’en y repensant, je pense devenir dingue et m’agrippe mes cheveux, à la limite de l’arrachage.
Je continue mon chemin et reconnais la petite ruelle qui mène à cette boutique si particulière.
Le chemin me paraît interminable, mais je ne peux pas me permettre de m’arrêter maintenant.
Mais c’est au bout de cette ruelle, sombre même lorsqu’il fait jour, que je reconnais la devanture de ce lieu mystérieux.
Les néons sont éteints et la boutique semble déserte et abandonnée, mais je décide de franchir les planches et chaises censées bloquer l’entrée.
Je me dirige vers la loge du serpent, mais c’est un lit de camp et des murs moisis qui m’accueillent.
Sur ce lit, une brochure et une lettre mentionnant mon nom.
Cet endroit n’a pas pu se dégrader autant en une seule nuit, non ? Ce n’était qu’un décor ? Ou alors un rêve ? Mais comment aurais-je pu retrouver le chemin et pourquoi cette lettre indique mon nom ?
Ma tête recommence à me faire souffrir et la migraine ne semble pas vouloir cesser.
Je m’avance près de ce lit et empoigne cette lettre, me semblant presqu’irréelle.



« Cher Sethos,
Je pense que tu dois te sentir étourdi et surtout en manque.
Sache que c’est normal, mais on a voulu tester tes capacités, c’est tout.
Cela fait un petit moment que l’on t’observe et on pense que tu devrais tenter ta chance dans une émission un peu particulière.
Toute ton éducation sera reprise et je suis persuadée que scolairement parlant cela ne peut-être qu’un bénéfice pour toi.
Je te lance un défi, veux-tu ? Participe à cette émission de télé-réalité et retrouve-moi.
Amicalement,
Laurena, alias la fille qui t’a pompé hier soir. »

Je termine la lecture de la lettre et ma mâchoire tente de ne pas tomber, tellement cela me semble absurde.
Quel est le rapport entre une orgie rêvée et une télé-réalité ?
Mais j’ai besoin de thune et clairement la brochure donne envie d’en savoir davantage.
J’ai des compétences sportives qui m’ont valu des bourses pour chaque école que j’ai intégrée, peut-être qu’ici je pourrais me faire une réelle réputation dans le milieu, du moins, si je ne me fais pas expulser à la première occasion.
Ma main se resserre autour de la brochure.

Un nouveau défi à relever ? C’est parti.