De la lavande. Une faible fragrance résiduelle. Elle était couplée à l’odeur de la sueur dans l’air. Après des heures, blotti contre elle, mon nez était toujours dans le creux de son cou. Sachant que c’était la dernière fois que nous nous voyions avant un bon moment, nous avions décidé de passer un particulièrement bon moment ensemble. Je n’avais pas la moindre envie de cette position. Mon bassin était collé contre son fessier. Mon bras contre sa poitrine. Les draps formaient un chaud cocon qui nous recouvraient totalement. Pourtant l’heure approchait. Cependant, je ne pouvais pas la voir. La chevelure de Merry cachait le radio-réveil. Je soulève doucement la tête, essayant de ne pas réveiller ma belle… 14h26. 4 minutes avant qu’il ne soit temps pour moi de quitter ce lit.

J’inspire longuement. 14h27. Non, je n’allais pas replonger ma tête sur cet oreiller divin. La frustration n’aurait été que plus importante quand le moment viendrait. Je quitte les draps dans des mouvements contrôlés pour éviter que des turbulences ne viennent troubler le sommeil de ma tendre. Mon regard se pose sur les valises déjà prêtes. Mes valises. Avec des vêtements déjà prêts posés par-dessus. Mais il n’était sans doute pas encore le bon moment de les mettre. Avec les activités salissantes que Merry et moi avions pratiqué quelques heures plus tôt… il était préférable que j’aille me prendre une douche. Je quitte ainsi la chambre pour rejoindre la salle de bain, fermant délicatement la porte derrière moi.

Je tourne les valves, faisant couler l’eau, d’abord dans mes cheveux bruns dont quelques mèches blondes venaient perturber l’unicité. Le liquide glissa ensuite sur mes paupières qui cachaient mes yeux noisettes avant de retomber sur mes épaules absolument pas larges. Il passe ensuite entre mes abdos d’un côté, entre mes fines fesses de l’autre. Après quelques instants, je sens une main se poser dans mon dos finement musclé avant que les bras de Merry ne repasse devant pour me serrer contre elle et sa poitrine. Du haut de mes 1.67 mètres, je n’étais pas beaucoup plus grand qu’elle, son front arrivait à hauteur de ma bouche. Juste assez pour que je puisse lui y déposer un baiser.

# C’est vraiment le jour ? #

- « Oui… »

Elle s’occupa de me laver mon dos et moi je me suis occupé de laver le sien. Après s’être séché ensemble, on retourna dans la chambre dans un calme difficile à décrire. Aucun de nous n’étions très loquace. J’étais quelqu’un de plutôt introverti de base. Parler peu était une habitude pour moi. Contrairement à elle. Mais aujourd’hui, il y avait comme une ambiance de deuil. Comme si nous devions enterrer quelque chose. Nous avions une boule au ventre. Je me posais sur le bord du lit, le regard fixe devant moi. En ce jour, nous nous séparions.

# Il n’y a pas de solution ? #

Je ne lui répondis pas. Nous connaissions tous deux la réponse. Le problème n’était pas qu’on n’était plus bien ensemble. Tout au contraire. Nous étions parfaits ensemble. Mais l’un de nous deux allait quitter le continent. J’allais… quitter le continent. Je quittais l’Angleterre pour rejoindre l’Amérique, avec un grand A. L’endroit où tout le monde rêvait d’aller pour refaire sa vie. Je déposais un baiser sur son nombril. Là était la vie que je voulais refaire.

# Comment en est-on arrivés là ? #

- « C’est un con. »

Je soupirais. Ma réponse était courte et ne répondait pas à sa question… car celle-ci était rhétorique. Elle en connaissait aussi la réponse. Elle savait très bien comment cela s’était passé. Depuis des années, mon père me forgeait une image, s’assurant bien sûr de la lier à la sienne. Tout le monde me voyait comme son fils modèle. Il est arrivé à attirer le regard des deux chipies sur moi pour me faire inviter. A force de voir des publicités, il a dû se dire que la téléréalité était sans doute le meilleur moyen de s’en faire pour lui.

Il a dû faire en sorte que des articles où les people se posent des questions sur ma sexualité à force de me voir solitaire, remontent jusqu’aux yeux de ces deux femmes. J’adorais que Merry aimait la discrétion autant que moi. Elle n’avait pas besoin qu’on se montre pour savoir qu’on était bien ensemble. Même ça il l’aura retourné à son avantage. C’était fou de manipuler l’image de cette manière. Tout ça pour que les journaux relancent des articles « Les théories se confirment. », « Sa sexualité enfin révélée ».

- « Il pourra clamer qu’il est fier que son fils assume son homosexualité. »

# Tu n’es pas gay. #

- « Je ne suis qu’une deuxième image pour qu’on parle deux fois plus de lui. La seule chose que j’ai pu choisir… c’est la personne que je fréquente. »

# Quoi que… vu l’endroit où il t’envoie, j’en suis pas si sûre… #

Elle marquait un point je le savais. Mais ça me faisait tout autant mal qu’à elle. Je n’avais pas plus envie qu’elle d’allait faire bonne figure devant des caméras. Déjà me forcer de pas tirer la tronche en présence de paparazzi était d’un chiant. Moi je voulais juste rester peinard. Passer de bons moments avec les quelques rares personnes qui comptaient pour moi.

# Est-ce que tu reviendras ? #

- « Je l’imagine mal me laisser là-bas. « Le fils gay reprend le lead de l’app #1 de dating » Ca ferait une trop bonne pub.
Et dès la deuxième news : « Dans les traces de son père, il donne aux œuvres caritatives. » et boum, son image s’en revoit glorifiée sans qu’il n’ait plus à lever le petit doigt. Et je serai éternellement comparer à Dorian. »

Bien que j'essayais de ne pas le montrer physiquement, mon intonation devait trahir les sentiments que j'avais envers mon père. Oui. J'étais énervé de n'avoir aucun contrôle sur mon futur. Sur ma vie.
On s’habilla alors, j’enfilais la chemise et le pantalon posé sur ma valise alors qu’elle s’habillait comme à son habitude, avec un jeans court et un sweat à capuche. J’inspirais encore, marque de mon profond dépit. Mais il était temps. Je pris mon ticket pour le vol LHR-LAX et sortis avec Merry à mon bras.

- « Je t'aime. »

# Moi aussi, je t'aime #

J’avais cette désagréable sensation qui remontait le long de mon corps, dans ma gorge, puis dans mon nez et dans mes yeux. Celle qui annonçait la terrible vérité qu’on ne pouvait plus nier. C’est dans un silence lourd qu’on n’arrivait pas à briser, qu’on partait en direction de l’aéroport.